Nuit d'enfer à Quiberon by Simone Ansquer

Auteur:Simone Ansquer [Ansquer, Simone]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier, Littérature française, Bretagne
Éditeur: Éditions Alain Bargain
Publié: 2016-06-27T22:00:00+00:00

XXI

LES QUESTIONS

L’utilitaire resta à l’arrêt, moteur en marche. Les phares éclairaient Salomé et Bastien. Dans la pénombre de l’habitacle, le conducteur regardait les silhouettes immobiles, deux statues pétrifiées, parées d’un halo lumineux.

— C’est eux ? demanda Erwan à Sophie.

— Oui.

— Eh bien, tes deux petits soldats de plomb peuvent bien attendre cinq minutes parce que je ne bougerai pas de mon siège avant que tu ne m’aies expliqué pourquoi tu viens de m’asséner que tu détestais les grandes gueules ?

— Tu interprètes. J’ai uniquement avancé que je méprisais les hommes qui déballent leur vie au premier venu, tels des brocanteurs exposant des pièces de leur existence au public et surenchérissant sur le prix. Je hais ceux qui exhibent tout ce qu’ils ont fait, leurs exploits, leurs voyages, leurs aventures. Plus ils avancent en âge et plus la liste de leurs périples s’allonge. Les détails deviennent croustillants, les références pompeuses. Se gargariser d’un passé révolu me met hors de moi. « A été capable », ne sous-entend pas l’être encore. Ces gens-là ne m’intéressent pas, j’ai besoin de quelqu’un qui agit et ne me confie pas : « J’ai fait ci, j’ai fait ça », mais d’un gars qui m’annonce : « Je vais le faire, même si je n’en ai pas encore l’expérience. »

— Je réitère, en somme, tu détestes les grandes gueules !

— En quelque sorte, confirma Sophie, pressée de clore l’aparté.

Décidé à ne pas en rester là, Erwan renchérit :

— J’aurais pu t’en conter mais je ne l’ai jamais fait. Je n’aime pas étaler ma vie. Le déballage, comme tu le nommes, ce n’est absolument pas mon genre. Je suis un homme d’action et pas un type qui se perd en bavardages. Mate-les, ces deux-là, ils ont l’air de sortir de Mars, deux aristocrates déchus, directement tombés d’une navette spatiale qui viendrait d’amerrir en baie de Quiberon. Pourtant, en dépit de leurs mines défaites et de leurs têtes de zombies qui en repousseraient plus d’un, je vais les aider parce que tu me le demandes. J’ai le profil parfait lorsqu’il s’agit de filer un coup de main et je ne vais pas te raconter comment j’ai appris à me tirer des pires situations qui soient.

— OK. Nous nous sommes compris. Elle, c’est Salomé, ma cousine.

— Je l’avais reconnue. Elle est lookée grave !

— Laisse tomber son look. Lui, c’est Bastien. C’est à elle, et uniquement à elle, que tu vas rapporter en peu de mots ce que tu m’as dit dans le bar.

— Madame la directrice, je suis à vos ordres !

Erwan ouvrit la portière de la camionnette et prit soin de ne pas la claquer en la refermant. Les précautions prises n’évitèrent pas un douloureux grincement de charnière, telle une plainte stridente dans la nuit profonde. Sophie sortit à son tour du véhicule pour rejoindre le trio qui venait de se former sur le trottoir. Devant le malaise palpable des trois personnes, elle se permit de faire des présentations sommaires. Elle semblait décidée à vouloir mener la danse.

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